Demande des habitants de Hussein-Dey pour la séparation des deux communes
(il s'agit de la commune de Husseindey qui a été annexée à la commune de Kouba en 1857)
lettre d'un habitant de Hussein dey
Je m’appelle XX ;
Je suis né à HD, le
J’aime ma ville, ou plutôt devrais-je dire mon village ?
Je sais que Hussein Dey a été une des premières communes constituée en Algérie,
Pendant 18 ans, elle est restée indépendante.
Ce n’est qu’en 1857 lors de la constitution des communes avec conseils municipaux, qu’elle a été annexée à Kouba.
Mais maintenant l’élève a dépassé le maître : Hussein Dey est devenue une commune plus importante, tant au niveau de la population, que des revenus.
Et en 1867, avec les autres habitants d’Hussein Dey, nous avions formé une pétition pour que notre commune soit indépendante, car nous nous sentons beaucoup plus forts et dynamiques que les habitants de Kouba. Vous allez dire que c’est une opinion toute personnelle ;
Mais alors que le Conseil Général avait reconnu les motifs exposés suffisants pour déterminer la séparation demandée, il avait remis cette séparation à une époque ultérieure, prétextant un trop grande charge de travail.
En 1868 une seconde demande avait été faite auprès du Conseil Général qui la renvoya au Préfet.
Enfin, le 30 juillet 1869, notre demande est envoyée au Préfet qui accepte de l’étudier ;
Nos arguments sont les suivants :
- Hussein-Dey compte une population de 1 598 individus et de 240 indigènes et contribue au budget municipal pour deux tiers au moins sur le produit annuel de 42.500 francs ; tandis que son chef lieu Kouba ne possède qu’une population européenne de 966 individus et 354 indigènes, un tiers de moins en population et en revenus.
- la situation topographique de Hussein-Dey s’oppose à une annexion avec Kouba :
Hussein-Dey occupe la plaine entre le pied du Sahel et la mer à l’est,
et Kouba occupe les hauteurs du Sahel à l’ouest,
et chaque localité possède ses écoles et sa paroisse distinctes
D’autre part, la demande de Birmendreïs, pourtant moins importante que Hussein-Dey a reçu un accueil favorable.
Mes compagnons et moi, avons signé ; ce sont, entre autres :
A PAYN propriétaire et conseiller municipal
Bosc Joseph propriétaire et conseiller municipal
Bertholoville
Buchy
Armand fils
Antoine Papet
Pierre Joseph Grivel
Bastard, propriétaire (fils)
Barthelemy ébeniste menuisier
Gueyneur
Charles Baingamain
Bardenbach
Thomas Sintes propriétaire
Jean Torros
Jean BOSC propriétaire
Michel Sintes fils, débitant
Jacques Sintes fils
Joseph Romero
Joseph Marcadal
Pons Jean, cantonier
Benoit Marcadal fils
Joseph Peres
Lavesure propriétaire
B. Ruffié
Daniel RIVIEST entrepreneur
Jean TORRENS entrepreneur
Michel SINTES propriétaire
Antoine PAPET
Vincent PAPET propriétaire
Pierre PAPET propriétaire
Joseph PONS commerçant
Antoine SINTES commerçant
Martin TOUDOURI propriétaire
Christophe MARCAL
François PHILEMOND
Mermet
Lorenzo MARCADAL
Joseph SINTES
…………..
Le Maire de Kouba serait lui aussi d’avis de séparer les deux communes.
Dans la session extraordinaire du 4 septembre 1869, il fait ressortir les faits suivants :
« Le Maire saisit cette occasion pour faire connaître au conseil son opinion personnelle à ce sujet. Il est en principe partisan de l’autonomie et des nationalités, il pense qu’une communauté, comme un individu, doit se diriger par lui-même, aussitôt que ses forces et ses ressources le mettent à même de faire usage de son initiative propre. Il a toujours pensé, pour le cas présent qu’HD devait un jour être séparé de Kouba et être érigé en commune de plein exercice, et que l’amour du clocher, ou si l’on veut, l’amour de la Patrie, devait recevoir satisfaction. Il fait remarquer que le but constant des efforts de l’Administration a été de se préparer à cette éventualité en mettant cette localité à même de vivre de sa vie propre, et c’est ainsi qu’elle n’a cessé, dès l’origine, d’y faire des créations importantes.
Lorsque Hussein Dey a été remise à Kouba :
- il n’y existait aucun immeuble Communal, l’Eglise Paroissiale exceptée qui était d’une exiguïté déjà sensible, il n’y avait de bâtiments communaux ni pour les écoles, ni pour un asile, bref la propriété communale n’existait pas. Il n’y avait pas de place publique, celle devant l’Eglise était revendiquée par un propriétaire, les chemins n’existaient qu’à l’état de ravin torrentueux pendant l’hiver, ou marécageux.
- Il n’y avait pas de moyen direct de communication entre Hussein Dey et Kouba, son chef lieu, la position était donc peu favorable.
Pour palier à ces désavantages :
- on construisit une vaste école de filles, et plus tard une école de garçons ;
- ensuite un asile immense,
- on obtint la grande place qui fut distraite du service des Tabacs ;
- on intenta un procès au Sieur Sintés Michel, qui se termina par un arrêt de la Cour Impériale qui remit en légitime possession la commune des terrains contestés ;
Bref, la propriété Communale fut constituée. :
- tous les chemins vicinaux les plus importants furent élargis, rectifiés, remblayés, empierrés ; On créa de toute pièce une voie de communication directe, entre Kouba et Hussein Dey, par l’ouverture du chemin vicinal N° 10 qui a un double embranchement à Hussein Dey, desservant les centre de la St Jean et celui des Tabacs. Les puits publics furent réparés, relevés et armés de noria à bras qui les transforment pour ainsi dire en service continue.
Enfin, l’Eglise, qui était devenue insuffisante à réunir les fidèles s’agrandit dans de larges proportions de manière à pourvoir aux besoins d’une population presque double de celle qui existait.
Kouba, dans des proportions moins considérables, puisque ses besoins étaient moindres, a été doté aussi de créations nouvelles.
L’Etat lui fit remise dès l’origine de sa constitution de la propriété de l’ex Ste Enfance, où étaient installés déjà son asile et son école de filles ; après que pendant cinq ans, la mairie fut restée dans la maison du maire, il fut jugé nécessaire d’avoir pour ce service un immeuble communal, on acheta la propriété du palmier, où les services municipaux, commune à Kouba et Hussein Dey, furent installée ; la commune se trouva chez elle.
L’année suivante, on ajouta aux bâtiments deux immeubles déjà existants, un bâtiment neuf pour l’école des garçons et logement de l’instituteur.
Pour les chemins, on n’eut qu’à les réparer un peu et les entretenir ; ils existaient déjà tels qu’ils sont ; aucun chemin neuf n’a été ouvert, et cependant la circulation par tous est active et facile et répons à tous les besoins.
Enfin, l’Eglise Paroissial était un immeuble loué ; on pensa à l’acheter, l’occasion était favorable ; cet immeuble fut payé au moins un tiers au dessous de sa valeur avec faculté d’amortir par annuité, le capital du prix d’achat ; déjà deux annuités ont été payées ; il n’en reste plus que sept. Des sources et lavoirs particuliers ont été réparés et rétablis.
Kouba se trouve donc, avec moins de dépenses faites pour cette localité dans une situation au moins aussi favorable qu’Hussein-Dey à qui il reste encore quelques créations à faire, Mairie, presbytère, préau couvert, remblais de place, chemins vicinaux à compléter.
Kouba n’a plus de création nouvelle à faire, il n’a plus qu’à entretenir ce qui existe, le but de l’administration municipale est donc en partie atteinte, il eut été à désirer que ce qui reste à faire à HD eut pu l’être avant la séparation, mais en présence d’impatience nombreuses et légitimes, il n’y a pas de danger de céder à ce mouvement séparatiste, les ressources dont HD pourra disposer lui permettront facilement d’y faire face et de diriger des travaux suivant son impulsion propre.
En conséquence, le maire annonce qu’il votera pour la séparation immédiate d’HD de son chef lieu de Kouba ; et la constitution de ces deux localités en communes séparées de plein exercice, attendu qu’elles peuvent vivre parfaitement chacune de leur vie propre.
Il annonce qu’il va être procédé au scrutin secret sur cette question par un oui pour la séparation immédiate et un non pour le maintien de l’état actuel.
On procède au dépouillement du scrutin qui donne pour résultat six oui et quatre non.
En conséquence, à la majorité de six voix sur dix, la séparation immédiate d’HD est votée par le Conseil.
Fait et délibéré à Kouba le jour mois et an que dessus.
Signé :
Batty, Lethuille, Gades, Camps, Bosc, Sintès, Laroque, Paÿn, Hamidou Ben Marabes et Burreau Maire ;
Pour extrait conforme
Kouba, le 8 septembre 1869
Le Maire »
C’est donc par 6 voix contre 4, que la séparation immédiate est votée par le Conseil.
La commission syndicale d’HD est elle aussi du même avis que le Maire de Kouba.
Mais ce scrutin est contesté, car en amont l’enquête semble avoir été faite de façon irrégulière.
En effet, alors que M. Dulac avait été désigné par arrêté préfectoral pour diriger cette enquête, M. Dulac ayant décliné cette mission, la commission Syndicale constate que, sur le dit arrêté de M. le Préfet, annexé au présent dossier, le nom de M. Dulac se trouve gratté et n’est remplacé par aucun autre. La Commission Syndicale croit être en droit de récuser la mission que s’est donnée le Sr Jévin, sans titre légal.
Mais qui est ce Sieur Jévin ?
C’est un employé « subalterne » au service des Tabacs, qui s’est improvisé en qualité de Directeur de l’Enquête sans titre légal.
La contestation porte sur le fait que le Sieur Jévin n’a pas été habilité à mener l’enquête. Mais également qu’il n’est pas vraiment intéressé par le problème posé, puisqu’il n’est pas propriétaire ni attaché par aucun lien aux intérêts d’HD . Et enfin, ce Monsieur manifeste de façon fougueuse et publique son opposition à la séparation des deux communes, et n’hésite pas à mettre un doute sur la sincérité et la loyauté de l’élection de la commission syndicale.
Il est notoire que le sieur Jévin est allé jusqu’à dévoyer des électeurs de la partie adverse.
Et dans sa séance du 29 septembre 1869, le Conseil municipal de Kouba analyse les faits différemment :
« Le Maire donne lecture au Conseil de la réponse de M. le Préfet, à la demande du Conseil d’avoir à sa disposition les pièces du dossier de la commission syndicale. Ce haut fonctionnaire informe le conseil qu’il n’a point à connaître les opérations de cette commission. Le Conseil et la commission syndicale, fait il observer, opèrent parallèlement leurs délibérations ont pour point de départ les résultats de l’enquête préalablement ouverte. Dans la commune, c’est au Conseil Général et à l’autorité supérieure à qui il appartient de juger du mérite des considérations développées par les deux parties.
Le Maire fait observer que, s’il en est ainsi, la mission du Conseil serait bientôt remplie.
Le registre d’enquête ouvert dans la commune ne contient que trois signatures dont les deux premières, celles du père et du fils, peuvent se réduire à une seule, les observations qui y sont formulées ne portent que sur l’illégalité de la manière dont d’enquête a été faite et qui aurait dû, selon eux, être ouverte à HD et non à Kouba, ce qui explique, selon eux encore, l’absence sur le registre d’un plus grand nombre de signatures.
Le Maire fait remarquer que ces Messieurs ne doivent pas ignorer que c’est conforme à l’arrêté de M. le Préfet, qui était annexé aux pièces de l’enquête, que cette opération ait eu lieu au chef de la commune, et qu’ainsi leur objection est dans valeur.
Quant aux observations sur le fond même de la question, objet de l’enquête, un seul motif est allégué, en passant pour ainsi dire, c’est celui de la centralisation administrative au chef lieu. C’est selon eux le plus grave et ce qui est le point de départ de la demande de séparation.
Si le Conseil n’avait à statuer que sur cette objection la réponse ne serait pas longue, en effet, n’est il pas absolument nécessaire que toute l’administration soit localisée en un certain point, le plus central possible géographiquement parlant, et ce point n’est il pas à Kouba ?
Mais, Messieurs, le conseil ne doit pas s’arrêter à réfuter cette objection, il doit entrer dans le fond de la question et discuter et délibérer sur cette question telle qu’elle a été posée par l’administration, à savoir :
HD doit il être érigé en commune de plein exercice, en d’autres termes, HD et Kouba doivent ils former deux communes séparées et distinctes ?
En raison de l’importance que doit avoir la discussion, le Maire, pour plus d’ordre et de régularité, prévient M.M. les membres du Conseil qu’il donnera la parole alternativement aux orateurs, contre ou pour la proposition, après qu’ils l’auront demandée par avance.
La discussion étant ouverte, un membre, qui l’avait demandée prend la parole contre le projet de séparation. Il énumère tous les résultats avantageux obtenus depuis 1859 par la fusion de Kouba et d’HD en une seule commune formant un tout géographique parfaitement délimité, par des bornes naturelles ; Quoique d’une étendue peu considérable, 3150 hectares. Elle représente un triangle formé des dernières coupes des montagnes du Sahel qui s’abaissent vers la mer, lequel est limité d’un côté par la mer, de l’autre par l’Harrach, et à sa base par un chemin qui la sépare de Bikadem et de Birmandrès.
Malgré cette petite superficie, cette commune, par sa position, est devenue une des plus importante, elle a créé, avec ses revenus, presque tout ce dont elle avait besoin pour ses services publics et n’a jamais fait le moindre embarras à l’administration supérieure qui, au reste, l’a toujours secondée. Ces heureux résultats auraient ils pu être obtenus isolément si HD et Kouba avaient été tout d’abord constituées en communes de plein exercice ? Evidemment non, et c’est à la sagesse de l’administration, qui voyait les choses de haut et qui a fait le groupement, que la commune doit cette prospérité, qui fait l’envie de toutes les communes du Sahel et qui est aussi une des causes qui ont engendré cette pétition, laquelle réduite à sa plus simple valeur, n’est que le fruit d’une rivalité jalouse et de l’orgueil d’un excès de prospérité.
Pourquoi, puisque si heureux résultats ont été obtenus ainsi et que la position est, on ne peut le nier si prospère, voudrait on la changer par une scission qui serait désavantageuse pour les deux localités ? etd’une commune homogène riche et puissante en faire deux petites communes maigres et chétives, qui pourraient à peine pourvoir aux dépenses de première nécessité ? Ce serait vouloir arrêter leur élan dans la voix des progrès et améliorations pour les faire végéter et vivre d’une existence souffreteuse et précaire car, enfin, examinez la question au point de vue financier ; les créations nombreuses qui ont été faites et se continuent actuellement encore dans l’Eglise d’HD, sans parler de la vicinalité qui a été constituée, vous le savez, auraient elles pu être faites sans le concours des forces des deux localités ? Evidemment non, et, cependant, bien que la dépense de ce dernier grand travail de l’Eglise d’HD soit déjà presque à moitié payé, la commune possède un capital de 20 mille francs placé à la caisse des dépôts et consignations ; si vous opérez la séparation des deux localités, cette opération sera préjudiciable à toutes deux, car chacune d’elle aura à supporter les frais d’une administration, la dépense sera double, admettant que cette dépense ne s’élève qu’à trois mille francs par an, ce sera dans l’espace de dix ans une somme de quinze mille francs perdue pour chacune d’elle, soit pour les deux 30.000 francs qui auraient été certainement bien mieux employé dans une amélioration ou une création utile.
L’intérêt des finances donc commande aux deux localités de rester unies.
Un autre membre prend la parole, il reconnaît la justesse des observations précédentes en ce qui concerne les grandes choses qui ont été accomplies par l’union, mais se reportant aux motifs qui ont déterminé le premier vote du Conseil municipal en faveur de la séparation immédiate, il ne saurait en rien les modifier, il est partisan de l’autonomie et de l’initiative individuelle, chaque individu, arrivé à un certain développement, doit pouvoir lui-même à une existence, or, qu’est ce qu’une commune ou une section de commune sinon une individualité collective, aussitôt que cette individualité possède en elle-même assez de force et d’énergie pour vivre de sa vie propre, il est de sa dignité de le faire, de ne pas rester dans l’indivision et de ne pas continuer une association qui pour elle devient la chaîne de l’esclavage.
Nos lois n’ont-elles pas, au reste, consacré ce grand principe de liberté individuelle en décidant que nul ne peut être retenu dans l’indivision ; c’est à l’application de ce grand principe que l’on est redevable, en grande partie, de la prospérité de la nation française, c’est aussi ce principe qu’on cherche à appliquer à la nation arabe, pour la faire entrer dans le mouvement et sortir de ce statique éternel qui la rend réfractaire à tout progrès.
Un troisième membre ne partage pas cette manière de voir ; il trouve, au contraire que tout dans l’état actuel des esprits et des choses, tend à l’association, ce n’est que par l’association qu’on arrivera à exécuter de grandes choses ; les peuples les plus avancés en civilisation sont ceux qui ont le plus de sociétés, c’est pour la solidarité et le groupement des intérêts que le monde se transforme, le gouvernement l’a sagement compris et a dirigé et poussé de tout son pouvoir, à l’association, toutes ces sociétés qui ont pour base la mutualité et dont le résultat doit être, un jour donné, l’extinction ou l’amoindrissement du paupérisme, sont son oeuvre et sa gloire, ce que plusieurs individus isolés ne sauraient faire, ces mêmes individus réunis dans un commun effort, le font sans peine, l’axiome, l’union fait la force, qui est vieux comme le monde, et sera toujours vrai.
Il est entièrement partisan du maintien de l’union.
Un quatrième membre, sans méconnaître la justesse des généralités, rien ne saurait détruire cette autre vérité fondamentale, que chacun est libre de se diriger lui-même et de faire ses propres affaires comme il l’entend, c’est la consécration de la liberté individuelle, et il n’entend pas l’abdiquer, c’est pourquoi il votera la séparation, étant établi que les deux individualités collectives peuvent vivre chacun avec les ressources qui leurs sont propres ; tout d’abord, elles souffriront, peut être, de leur état nouveau, mais elles en seront bientôt remises et seront assez ingénieux pour assurer leur ceinture et même leur propriété, la nécessité n’est elle pas aussi loi ?
Plusieurs autres membres prennent successivement la parole pour affirmer qu’ils ont voulu s’assurer de l’opinion publique sur cette question et que la grande majorité de gens sérieux et sensés, trouve qu’on a lieu d’être entièrement satisfait de ce qui a été fait depuis la constitution de la commune en plein exercice, telle qu’elle est, que l’administration municipale a toute la confiance de la population qui l’a hautement manifesté dans les dernières élections, encore récentes pour ainsi dire, et qu’ainsi, il y aurait légèreté et imprudence à vouloir changer ce qui est bien,et dont on connaît le résultat, en un état de choses qu’on ne connaît pas, mais que tout fait prévoir n’être pas sans danger ni sans inconvénients réels et certains qu’ainsi l’union doit être maintenue.
Un nouveau membre prend la parole pour dire que lui aussi est grand partisan de l’union, mais il désirerait qu’on introduisit, au vote qui va se produire, un amendement qui consisterait à déclarer qu’en raison de l’importance de la population d’HD et de sa proportion double de celle de Kouba, le chef lieu de la commune sera transféré de Kouba à HD, avec la mairie et que la commune à l’avenir devra être la commune d’HD au lieu d’être commune de Kouba, Kouba devenant simple section.
Cette proposition soulève, naturellement, de nombreuses objections et oppositions, la première c’est que l’administration en faisant de Kouba le chef lieu de la commune, a voulu perpétuer le souvenir d’un des premiers centre de population qu’elle ait créé après la conquête, HD, qui n’existait même pas de nom, était considéré comme un terrain vague dépendant du territoire de Kouba, ou plutôt la prolongation du hameau de Mustapha, en outre, la position de Kouba est, géographiquement parlant, le centre réel du territoire formant l’union communale. Ce changement de chef lieu n’est en réalité qu’une vanité de clocher qui ne serait d’aucun avantage réel pour HD et qui blesserait profondément Kouba et l’amènerait à un moment donné à réclamer sa séparation. Dans ce cas, mieux vaudrait qu’elle eût lieu immédiatement. Ce transfèrement de chef lieu, ne saurait être qu’un moyen terme, un expédient qui ne saurait produire que de mauvais résultats.
Le Maire fait observer qu’il ne reconnaît pas au conseil le droit d’amendement et qu’il ne doit émettre son avis que sur la question qui a été posée, à savoir, l’érection d’HD, en commune de plein exercice.
Après une assez longue discussion, à laquelle prennent part presque tous les membres présents ;
Le Maire expose qu’il vient de faire connaître son opinion opposée à l’introduction d’un amendement et que pour mettre sa responsabilité à l’abri, il va mettre aux voix la question de savoir si le Conseil entend, oui ou non, voter sur cet amendement et si le vote de cet amendement précisera le vote sur la question principale, d’érection d’HD en commune de plein exercice. La question est deux mises aux voix, par assis et levé, et à la majorité, le conseil décide qu’on votera, préalablement, sur l’amendement présenté.
Un membre alors se lève, et annonce qu’il proteste énergiquement contre ce droit d’amendement que s’arroge le conseil, droit qui ne lui a été conféré par aucune loi ni autorité, il fait ses réserves pour en réclamer l’annulation.
Le Maire donne acte, à cet honorable membre, de sa protestation, en annonçant qu’elle sera consignée au procès verbal.
Il fait procéder ensuite au vote, au scrutin secret, de l’amendement ainsi conçu : le chef lieu de la commune sera-t-il transféré de Kouba à HD ?
Au dépouillement, sur 21 membres 18 ont voté : 11 oui et 7 non ;
En conséquence, la majorité de onze voix sur 7 le conseil décide que le chef lieu sera transféré à HD, et que Kouba ne sera plus que la section de la commune de HD.
Le Maire annonce qu’il va procéder au vote au scrutin secret sur la question principale qui a fait l’objet de l’enquête ouverte par l’Administration, savoir, HD sera-t-il érigé en commune de plein exercice, séparée de Kouba ? Comme dans la précédente opération, le vote sera manifesté par oui et par non.
Le vote étant terminé, le dépouillement du scrutin donne les membres présents, 21 votants qui se répartissent ainsi :
Onze _________ non
Dix __________ oui
En conséquence, le conseil à la majorité d’une voix décide que HD ne sera pas érigée en commune de plein exercice.
La Maire annonce au Conseil qu’il va mettre en délibération l’incident de l’enquête au sujet de la demande de la commune de Maison Carrée de s’annexer la portion du territoire d’HD qui avoisine le chemin de fer et qui est désignée sous le nom du quartier de l’Harrach.
Il fait observer au Conseil que cet incident qui s’est produit si tardivement à la fin de l’enquête ouverte sur la grave question de la modification de la constitution communale, outre qu’elle est à ses yeux en dehors de la légalité, a toutes les allures d’une surprise ; en effet, il n’a été apporté que trois jours seulement avant la clôture de la grande enquête ouverte dans la commune de Kouba, il n’était appuyé d’autres pièces que de l’arrêté de Mr le Préfet, prescrivant l’ouverture d’une enquête sur cet ancien chef lieu de la commune de la Maison Carrée, il n’y avait ni plan à l’appui, indiquant l’étendue de l’annexion, ni motifs ni considérants ;
Et si l’on veut bien étudier les manoeuvres ténébreuses qui ont été mises en jeu pour préparer cette manifestation annexionniste, manoeuvres, au reste, qui sont celles qu’on emploie dans ces circonstances lorsqu’on veut s’approprier, avec les apparence de l’honnêteté, tout en partie du bien d’autrui, on restera convaincu que le mot de surprise, employé plus haut, devait être remplacé par une qualification beaucoup plus énergique.
Et quoi ! les habitants de ce hameau, soi disant sans nom, n’ont adressé jamais aucune plainte à leur administration, ni réclamation sur leurs besoins, leurs privations, et ce serait à la Maison Carrée qu’ils les auraient adressés de préférence en se jetant dans ses bras, comme un enfant abandonné ? Il faudrait qu’enfant par trop simple.
Tel n’est pas l’état vrai des choses ; mais le voici dépouillé de tous les artifices de langage.
Il a plu à la commune de la Rassauta de déplacer son chef lieu, et d’un point central où il était, de la transporter, pour se convaincre, à la maison carrée, c'est-à-dire à l’extrême limite de son territoire, naturellement, en même temps, la pensée lui est venue de s’arrondir, et elle a jeté les yeux sur une agglomération déjà formée, prenant tous les jours consistance, appartenant à sa voisine dont elle est cependant séparée par une limite naturelle qu’on aurait pu croire infranchissable une rivière de 75 à 80 mètres de margeur. Pour arriver à ce but, on a commencé à faire grand bruit des petits services qu’on pouvait rendre de temps en temps aux habitants de ce hameau qui nécessairement a noué des relations avec ce centre important de la maison carrée. Plus tard, on a menacé de les lui faire payer en s’apitoyant sur le sort de ces malheureux abandonnés, ou leur a fait envisager quels avantages, au contraire, ils auraient à faire partie de cette commune, où leur a promis monts et merveilles ; et pour leur faciliter les moyens de manifester leur désir, on leur a rédigé une pétition qu’on a colporté de maison en maison pour récolter quelques signatures insignifiantes, car presque toutes sont des gens nomades sans attaches à la localité, deux, seulement, sont de petits propriétaires ; les grands propriétaires se sont bien gardés de signer une telle pétition, qui importe, l’affaire était lancée, on n’avait plus qu’à lui faire faire son chemin.
Le chemin a été fait, comme vous le savez, la pétition a été présentée à Mr le Préfet, un peu tardivement, parait il, car l’arrêté qui ordonne l’ouverture de l’Enquête à la maison carrée, n’est parvenu à Koubaque le 16 septembre trois jours avant la clôture de l’enquête que vous connaissez et qui a du comprendre l’incident, ainsi le temps moral ayant manqué d’informer le public de cet incident, pourtant si considérable, il n’y a eu qu’une protestation insérée au registre d’enquête contre une tentative de spoliation qu’on ne saurait trop comment qualifier. Quelques jours après, juste au moment de la réunion de l’assemblée du conseil municipal et des notables, est arrivé le procès verbal de l’Enquête ouverte à la maison carrée qui ne contient que les observations et les désirs individuellement formulés par les signataires de la pétition, on y chercherait en vain le nom d’une propriétaire un peu importante du hameau de l’harrach, deux, seulement très peu importants ont signé, les autres se sont abstenus manifestant de ces velléités annexionnistes.
Après cet exposé, le Maire déclare la discussion ouverte ; tous les membres présents du conseil, à l’unanimité sont d’accord pour décider que toute discussion est inutile et qu’il suffit de délibérer.
En conséquence, après en avoir délibéré,
Considérant 1°) que les formalités de l’enquête ouverte à ce sujet, de la demande de la commune de la maison carrée, tendant à s’annexer le hameau de l’harrach, ont été entièrement insuffisantes et irrégulières.
2°) que les habitants de cette localité n’ont jamais fait entendre aucune plainte, ni adressé aucune demande à l’administration de la commune de Kouba, qui s’est au contraire empressée d’aller au devant d’elles en votant le paiement de la rétribution scolaire de ses enfants, à la commune de la maison carrée qui la réclamait, et en préparant l’érection de hameau en section organisée. 3°) qu’on ne pourrait tolérer un pareil empiètement d’un voisin dont les convoitises cherchant à franchir les limites naturelles fixées par la nature des lieux sans préciser de limites à ces envahissements et préparent ainsi le morcellement de cette riche localité d’HD, en invitant, pour ainsi dire, la commune d’Alger, à achever son absorption, de l’autre côté de son territoire.
Le conseil, à l’unanimité, invoquant la légitime défense, repousse de toute l’énergie de son droit et de son devoir une pareille tentative qu’il ne saurait trop sévèrement qualifier, et arrête, qu’il est décidé à poursuivre le maintien de son droit jusqu’au plus haut degré de justification qu’il lui sera possible d’atteindre.
Fait et délibéré le jour, mois et an que dessus.
Signé :
Batty, Lecheuille, Mannoury, Sintes Laurent, Bosc, Camps, Paÿn, Trottier, Laroque, Grelet, Gandilloz, Feutray, Maison, Peeaguy, Vacherot, Parnes, Narbonne, Rose Suquet, Tuduri Joseph, Fidelle et Bureau, Maire
Extrait conforme, Kouba, le 4 octobre 1869
Le Maire